Les hôtels de la mer
Pour décrire les problèmes de sécurité d’un navire de croisière, on pourrait penser à un hôtel à l’intérieur d’un aéroport. Pour les cabines individuelles, le navire requiert le même type de sécurité qu’un hôtel : portes sécurisées des chambres, consignations des entrées et sorties, voire des caméras dans les couloirs pour surveiller les rôdeurs.
Mais alors qu’un hôtel ouvre habituellement son vestibule et ses restaurants au public, personne ne doit pouvoir monter à bord du navire sans autorisation. Les procédures d’embarquement doivent donc être très similaires à celles appliquées dans les aéroports, avec cartes d’embarquement, contrôle des bagages et fouilles au corps.
Selon Geoffrey H. Greaves, CEO de Consultants International Maritime Security à Londres, la prise de conscience de la vulnérabilité des navires de croisière ne date pas d’aujourd’hui. Le détournement du Achille Lauro en 1985 a amené l’Organisation Maritime Internationale (OMI) à émettre des directives pour la sécurité sur les navires de croisière. « Après cela, les navires, et surtout ceux qui naviguent vers l’Amérique, ont dû respecter des normes minimum », précise M. Greaves.
De nouvelles règles pour les gros navires
Mais l’urgence s’est accrue après le 11 septembre car les gens ont commencé à imaginer qu’un gros navire de croisière pourrait être la cible d’une attaque terroriste, ce qui a conduit les Etats-Unis à émettre son code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS). Ce code impose à tout navire de plus de 500 tonnes de respecter certaines normes et les navires ne sont pas autorisés à pénétrer aux Etats-Unis si leurs derniers ports d’escale ne sont pas conformes au code ISPS.
Selon M. Greaves, ces nouvelles règles n’ont généré que des changements minimes dans les procédures des croisiéristes qui suivaient déjà les directives de l’OMI. Mais les navires modernes sont désormais conçus pour comporter des fonctions de sécurité. « Les fibres optiques pour les caméras seront prévues et le câblage pour le détecteur de métal au niveau de la passerelle sera installé », poursuit-il. « J’ai récemment visité un navire en construction sur lequel j’ai immédiatement vu que la passerelle était trop étroite. Aujourd’hui une passerelle doit être conçue suffisamment large pour recevoir tout l’équipement de sécurité. »
Avec des passagers et membres d??équipage qui embarquent et débarquent à chaque port, les mêmes procédures seront suivies à chaque escale. Ceci signifie que 4 000 passagers et membres d’équipage devront passer leurs bagages aux rayons x, franchir le portique du détecteur de métal, passer à la fouille au corps, et passer leur carte dans le lecteur avec un membre d’équipage assis devant un ordinateur pour contrôler la photo du détenteur de la carte. La photo est prise quand la carte est émise.
Des systèmes de contrôle d’accès peuvent également utiliser les empreintes digitales comme contrôle supplémentaire de l’identité du passager. Mais personne n’utilise encore de lecteurs d’empreintes digitales biométriques, déclare Preben F. Poulsen, Vice-Président de VingCard Marine, qui conçoit des systèmes de sécurité pour navires : « Il subsiste le problème que toutes les empreintes digitales ne permettent pas une bonne lecture, mais nous proposons l’option. Elle ne sera probablement demandée que lorsqu’un désastre sera survenu. »
Rester vigilant
Les analystes sont surpris qu’aucun désastre ne soit encore survenu. Le nombre de passagers qui ont voyagés sur les navires de Cruise Lines International Association est passé de 7,2 à 11,2 millions entre 2000 et 2005. En 2002, le pétrolier Limburg a été attaqué et détruit au Yemen. Quelques attaques de ferries ont également été enregistrées en Indonésie. Mais pour le moment, les navires de croisière n’ont pas été touchés. Selon M. Greaves, la raison n’est pas le niveau de sécurité très élevé. « Je pourrais monter à bord d’un navire pour effectuer une attaque spectaculaire », ajoute-t-il. Selon lui, il est difficile de convaincre les armateurs de renforcer leur sécurité tant que tout se passe bien.
Mais alors qu’on pourrait penser que les passagers souhaiteraient s’imaginer dans un paradis où le problème de la sécurité ne se pose pas, en fait, ils veulent être protégés par les contrôles appropriés. « Récemment, je me trouvais derrière un couple sur une passerelle », poursuit M. Greaves, « Personne n’était présent quand ils sont passés à travers le détecteur de métaux, alors la femme a dit à l’homme : ‘Hé, John, J’espère qu’il est allumé.’ »
Les passagers clandestins sont toujours assez courants mais leur nombre diminue. « Il faudrait une personne à chaque entrée ouverte d’un navire », précise M. Greaves. « Mais parfois les membres d’équipage font un tour pour prendre une cigarette. » Le contrôle d’accès pour l’équipage doit être particulièrement strict. Deux passagers clandestins sont récemment montés à bord d’un navire de l’un de ses clients, en prétendant qu’ils étaient officiers de sécurité. « Mais l’équipage a pu utiliser des images de la télévision en circuit fermé pour les identifier et les débarquer au port d’escale suivant. »
Les problèmes de sécurité à bord d’un navire sont habituellement beaucoup plus courants que le risque d’attaques terroristes. « Nous connaissons tout type de crime, du vol au viol », poursuit M. Greaves. « Au début des années quatre-vingt-dix, il y avait seulement des caméras au niveau de l’entrée. De nos jours, il y a de grandes chances qu’il y en ait partout dans le navire pour surveiller les passagers comme l’équipage. » Il peut également y avoir des passagers qui déclarent avoir glissé pour obtenir un surclassement ou qui portent des accusations d’agression sexuelle par un membre d’équipage.
À l’horizon
Les développements dans le secteur sont souvent similaires à ceux sur terre. Par exemple, VingCard propose des serrures connectées pour toutes les zones de sécurité, ou une carte-clé de cabine qui peut être utilisée pour faire des achats sur le paquebot. « En fait, c’est le confort qui stimulait les développements au début, puis est venu le 11 septembre », souligne Preben F. Poulsen. Mais il existe des spécificités marines, ajoute-il : « Par exemple, nous incluons toujours un cylindre mécanique supplémentaire dans les serrures en cas d’évacuation. »
Les futurs développements pourraient bien allier confort et sécurité. VingCard travaille sur un système de fermeture en ligne. Actuellement, si un passager perd une carte, il faut reprogrammer la serrure manuellement. En outre, les consignations d’entrées ne sont réalisées qu’à l’intérieur des serrures individuelles. Mais un système en ligne permettrait également à tout le système d’être commandé de manière centralisée.
* Indique un champ obligatoire