Le vol, premier préjudice des commerçants
Dans les magasins, les pertes dues au vol, tant interne qu’externe, sont ahurissantes. La protection des marchandises doit être la priorité des commerçants, selon les experts en prévention des pertes et en sécurité.
Les résultats de la dernière enquête Sécurité nationale dans les commerces menée par la Fédération Nationale du Commerce de Washington, D.C., montrent qu’en 2010, la démarque a coûté aux propriétaires de magasins la somme sidérante de 37,1 milliards de dollars. Cela représente une hausse de 33,6 milliards de dollars par rapport à 2009. Le vol du personnel est la première cause de pertes dans le commerce, représentant 43,7 % de la démarque totale en 2010.
« Nous dépensons beaucoup de temps, d’énergie et d’argent à surveiller l’activité du personnel », déclare Tina Sellers, vice-présidente de la prévention des pertes pour GameStop, première enseigne de jeux vidéo et logiciels de loisirs avec plus de 6 500 magasins à travers le monde.
Les vérifications d’antécédents et les équipements de surveillance, comme les caméras, dans le point de vente ou aux caisses, ne sont que quelques-uns des outils utilisés par les professionnels de la prévention des pertes. « Réduire la tentation fait également partie de mon travail », poursuit-elle.
Les professionnels de la prévention des pertes vont plus loin que la protection des marchandises. Lorsque l’on a affaire à des marchandises haut de gamme, comme des équipements électroniques coûteux, il est souvent recommandé de tout garder sous clé, mais cela peut diminuer les ventes.
Chez GameStop, une analyse montre que certains produits coûteux peuvent être présentés directement dans la surface de vente, et non en vitrine. « Dans certains cas, l’augmentation des ventes générée par l’accessibilité physique au produit compense largement la diminution des vols due à la mise sous clé de ces articles », précise Tina Sellers.
De nouvelles possibilités pour les voleurs
Le travail des professionnels de la prévention des pertes comme celui des experts en sécurité a évolué pour répondre au nouveau défi posé par l’avancée de la technologie. Fort de plus de 25 ans d’expérience dans le commerce, Fred Tarasoff est l’un des plus grands experts de la prévention des pertes dans les magasins du Canada. Il a interrogé des voleurs à l’étalage pour apprendre les ficelles du métier.
« Avant l’Internet, on utilisait des moyens complètement différents pour rechercher des marchandises volées », explique Fred Tarasoff. « Vous pouviez voler des objets, mais il fallait ensuite les revendre à des amis ou dans un bar ou encore sur un marché aux puces. Aujourd’hui, avec tous les sites de ventes aux enchères en ligne, c’est beaucoup plus facile. Cela représente un énorme défi pour le secteur. »
Chez GameStop, un responsable des cyber-investigations est désormais chargé de dépister des produits potentiellement volés et de surveiller l’activité frauduleuse sur le site web de l’enseigne, notamment les commandes en ligne avec le numéro de carte de fidélité de quelqu’un d’autre. « Ce poste n’existait pas il y a deux ans », poursuit Fred Sellers. « Mais l’explosion de l’Internet s’est accompagnée de l’explosion du crime. »
« La technologie permet également aux voleurs novices d’échanger des idées et des méthodes pour contourner la sécurité des magasins », ajoute Fred Tarasoff. En surfant sur Internet, Fred Tarasoff a appris comment subtiliser des produits d’un magasin, en déjouant la sécurité. Le but était d’illustrer la faiblesse du système. « En ligne, il existe des ressources susceptibles de rendre les voleurs beaucoup plus aguerris », note-t-il.
La communication instantanée via messages texte a donné également naissance à une toute dernière tendance de vol à l’étalage : les ‘flash robs’ qui rassemblent un grand groupe d’individus coordonnés pour prendre un magasin d’assaut, dérober tout ce qu’ils peuvent et s’enfuir. Les messages texte peuvent également avertir des partenaires des voleurs ou donner le signal pour lancer une diversion.
La technologie se perfectionne pour combattre le vol
La technologie a donc créé de nouveaux enjeux de prévention des pertes dans les magasins, mais elle génère également de nouvelles opportunités de protection. Alors que les voleurs deviennent de plus en plus sophistiqués, il en va de même des outils qui permettent de les arrêter.
Mike Jackson est consultant pour Security Research Group, cabinet de conseil en gestion de la sécurité et la protection, basé en Californie. En exemple de cette nouvelle technologie, il cite la vidéo-surveillance intelligente, une forme d’analyse vidéo qui détecte le mouvement dans les vidéos en temps réel ou enregistrées.
Les systèmes de vidéo-surveillance intelligents fonctionnent sur des règles spécialement programmées. Si le logiciel vidéo estime que l’immobilisation d’un client dans un endroit donné pendant un certain temps, constitue un vol potentiel, il alertera l’opérateur. « Comme cette technologie fonctionne toute seule, le personnel de surveillance est limité, ce qui diminue les coûts et augmente la productivité », précise Mike Jackson.
Les caméras IP numérique, qui permettent d’accéder à leur contenu vidéo en temps réel depuis n’importe où, ont révolutionné la sécurité dans les magasins, tandis que le cloud computing offre un stockage plus flexible des données. « Les caméras à reconnaissance faciale constituent également de nouveaux outils pour combattre les vols. Des programmes permettent d’identifier les voleurs connus à partir d’une base de données et de déclencher une alarme. Mais cette technologie est onéreuse », précise Mike Jackson.
Considérations budgétaires
« Mais le coût de la nouvelle technologie peut être un obstacle pour les professionnels de la prévention des pertes », poursuit Tina Sellers. « Dans le secteur de la prévention des pertes, tout le monde souhaiterait que le coût de la technologie RFID ne soit plus prohibitif », ajoute-t-elle. « Une technologie RFID abordable, par exemple, nous permettrait de tracer tous les déplacements des marchandises, depuis leur entrée à l’entrepôt à travers tout le point de vente. »
Pour les plus petits commerçants au budget de sécurité limité, il existe des outils rentables pour empêcher les pertes. La prévention du crime par l’aménagement du milieu (PCAM) peut enseigner aux propriétaires de magasins comment aménager leur environnement de façon à être moins attractif pour les voleurs. Les principes de la PCAM encouragent à créer des angles de vue dégagés ou à limiter le flux de circulation de manière à ce que des voleurs potentiels soient dirigés vers un espace surveillé par une caméra.
L’évolution de la technologie a donc indubitablement engendré de nouveaux défis dans la prévention des pertes. Mais quelle sera la situation demain ?
Tina Sellers prédit l’émergence d’un nouveau type de personnel de surveillance car les clients demandent des niveaux de service accru, notamment de pouvoir régler sans attendre. Les vendeurs seront donc équipés d’un terminal de paiement portatif et les clients pourront régler leurs achats n’importe où dans le magasin. « Dans cette situation, l’employé n’est plus positionné à un seul endroit où je peux le voir et surveiller la transaction. C’est ce qui va se produire dans tous les commerces et nous devons nous y préparer. Vous allez devoir surveiller l’ensemble du magasin et pas seulement l’emplacement de la caisse. »
« Malheureusement », poursuit Tina Sellers, « tandis que le vol dans les magasins augmente en temps de crise, il est également plus difficile en ces périodes de convaincre les entreprises de toutes tailles d’investir dans des outils efficaces de prévention des pertes et de sécurité. « En périodes de difficultés financières, il peut sembler très simple de faire des économies dans la prévention des pertes. Notre grand défi est de faire plus avec moins de moyens », conclut-elle. « La prévention des pertes peut être comparée à l’armée de métier. J’ai besoin de mon armée, à savoir mes caméras et mes outils, pour dissuader l’autre partie de ne rien faire de mal. Mon métier consiste à aider les autres à éviter les problèmes. »
Par Rachel Sa