Alerte à l’aéroport
Quand un aéroport est touché par une brèche de sécurité importante, son service de sécurité doit alors se démener pour mettre en place de nouvelles technologies, parfois invasives, pour garantir la sécurité des passagers et des vols. L’un des derniers exemples en date remonte au 25 décembre 2009. Umar Farouk Abdulmutallab avait alors franchi les barrières de sécurité avec une bombe sur lui à Amsterdam, pour un vol à destination de Detroit.
Les procédures d’urgence qui ont suivi ont entraîné de nouvelles restrictions sur les bagages à main, avec comme résultat des retards interminables sur tous les vols à destination et en provenance des Etats-Unis, du fait de l’ignorance des nouvelles règlementations par les passagers. Cette brèche de sécurité a également eu pour conséquence l’introduction de la toute dernière technologie de sécurité des aéroports : le scanner corporel.
Ces scanners, qui font controverse, produisent une image en trois dimensions du corps de la personne scannée, sous ses habits, affichant ainsi au personnel de sécurité l’image dénudée de celle-ci.
Les scanners corporels apportent donc une solution mais les gouvernements et agents de sécurité doivent garder à l’esprit que la technologie sans faille, capable de garantir la sécurité de tous les vols et aéroports, n’existe pas.
« Malheureusement, il n’y a pas de solution miracle », souligne Steve Lott, porte-parole de l’IATA (International Air Transport Association). L’IATA est une association professionnelle mondiale représentant 230 compagnies aériennes du monde entier, dont la British Airways, Singapore Airlines et Lufthansa.
« Les politiques ne peuvent pas certifier que ces scanners arrêteront chaque terroriste et rendront le système ultra sécurisé », poursuit M. Lott. « Mais pensons-nous qu’elles nous aideront à y parvenir ? Oui. »
Chaque gouvernement a la responsabilité de concevoir et contrôler les mesures de sécurité des aéroports et des avions. Il incombe ensuite aux aéroports et aux compagnies aériennes d’appliquer ces mesures de sécurité en respectant les législations.
La technologie de sécurité standard dans les aéroports comprend des détecteurs de métaux, des chiffons de détection de matériaux explosifs dans les sacs et, suite au 11 septembre, une nouvelle technologie de capteurs pour les bagages à main et en soute.
Mais le déploiement des scanners corporels soulève plusieurs questions : Empiètent-ils sur la vie privée des passagers ? Qui paiera la facture des ces machines coûteuses ? Et comment les scanners s’intègreront-ils dans les procédures de contrôle existantes des aéroports ?
M. Lott précise que bien que les scanners corporels passent comme la technologie la plus récente, cela fait en fait plus de 15 ans qu’ils sont utilisés.
« Beaucoup de gens sont surpris en apprenant que la technologie est apparue au milieu des années 1990 », ajoute-t-il. « Forcément, la netteté des scans s’est améliorée avec le temps, mais la technologie de base existe depuis longtemps. »
En fait, les plateformes de sécurité utilisées dans les aéroports à travers le monde ont souvent de 20 à 30 ans.
« La technologie s’est un peu améliorée », poursuit M. Lott. « Mais c’est toujours la même plateforme qui est utilisée et elle n’a pas vraiment changé : les passagers traversent un détecteur de métaux tandis que les sacs passent aux rayons x. »
Mais quelles sont les limites fixées par les aéroports et les compagnies aériennes ? Quels sont les critères jugés comme trop invasifs ou impossibles à mettre en œuvre ?
L’introduction des scanners corporels a déjà créé la controverse dans le monde. Les gouvernements et aéroports essaient de répondre aux inquiétudes, par exemple en imposant que les agents ne puissent examiner que des passagers du même sexe.
« Chaque gouvernement a des lois de protection de la vie privée qui permettent ou empêchent le déploiement de ces scanners. Mais dans tous les cas, ils doivent s’assurer de régler ces problèmes », précise M. Lott.
Un autre souci par rapport aux scanners corporels est leur coût. « Ces scanners ont un coût élevé », poursuit-il. « Notre inquiétude est que les gouvernements ne répercutent les coûts sur les aéroports. » Ces coûts pourront ensuite être transférés aux voyageurs.
Le débat fait également rage par rapport aux procédures et au calendrier de déploiement des scanners corporels.
« Nous pensons que les scanners ne font pas partie du processus de contrôle principal », poursuit M. Lott. L’IATA estime que le scan d’un passager prend environ 45 secondes. Contrôler tous les passagers d’un vol ralentirait donc considérablement l’embarquement, argumente M. Lott. « Mais les scanners pourraient être utilisés en tant que mesure secondaire. Par exemple, si le détecteur métallique se déclenche quand vous le traversez, alors vous pourriez avoir droit à une fouille corporelle ou un scan corporel. »
Mais de telles procédures doivent encore être lissées. L’équilibre entre sécurité efficace et vitesse d’embarquement des passagers est délicat à trouver et les passagers, en particulier ceux de la classe business, sont très sensibles au facteur dit « de dérangement ».
Face au contexte actuel, l’IATA aimerait voir les gouvernements travailler main dans la main avec les aéroports et compagnies aériennes pour permettre de mettre en place rapidement les mesures de sécurité temporaires les plus efficaces. « Les aéroports et compagnies aériennes sont les mieux placés pour dire aux gouvernements ce qui peut fonctionner ou non », poursuit M. Lott. Par exemple, après l’incident du 25 décembre, le gouvernement américain a ordonné que 100 % des passagers devaient subir une fouille corporelle. « Nous leur avons dit que ce n’était pas une solution durable, que nous ne pouvions fonctionner comme cela. Aujourd’hui, la fouille corporelle est donc faite au hasard sur une majorité des passagers, mais pas sur la totalité. »
En définitive, les passagers se familiarisent avec les règles imposées par les nouvelles procédures de sécurité. Ils se sont adaptés à la nouvelle règlementation qui interdit les liquides et gels, par exemple, et les retards et longues files d’attente ont disparu, jusqu’à la prochaine alerte.
L’IATA veut voir les aéroports, les gouvernements et compagnies aériennes travailler ensemble pour renforcer les plateformes de sécurité et faciliter les voyages pour les passagers.
« Que ce soit avec une nouvelle technologie, une nouvelle intelligence, de nouvelles procédures, ou simplement une meilleure utilisation de toutes nos mesures de sécurité existantes, nous voulons améliorer les choses et non pas nous contenter d’ajouter en permanence de nouvelles mesures qui ralentissent et compliquent les choses », conclut M. Lott. « Nous devons prendre en compte toutes les pièces de ce grand puzzle de sécurité pour voir comment elles s’emboîtent le mieux. »
Par Rachel Sa
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